dimanche 15 juin 2014


Ma toute petite, 


Entre deux cigarettes et quelques verres du whisky, tu te glisses entre les grands, même si l'heure du coucher est déjà dépassée. Tu t'imbibes de ce monde là, tu t'imprègnes, tu joues la grande, il te manque une cigarette au bord des lèvres, tu as hâte, putain. Tu observes, tu poses des milliards de questions, tu fais ton intéressante, tu tournes sur toi même. Maman dit qu'il faut que tu te taises, que tu ne dois pas couper la parole, que le marchand de sable va bientôt passer, tu t'en fous, de toute facon, tu ne crois déjà plus à la petite souris. Tu n'en as que faire, tu fais tourner ta robe, tu fais la curieuse, tu te fais remarquer, tu craches du feu. Cheveux mouillés et pyjama rose, tu te glisses dans ton petit lit et tu imagines des heures durant comment ce sera toi à ta table de grand, tu inspires de l'air entre ton majeur et ton index, tu souffles, tu souris. Ca arrivera, bien trop vite poupée, tu ne le sais pas, mais profites en maintenant, regardes tout ça d'un oeil extérieur car tout ça n'est pas la vraie vie, tout ca n'est qu'une facade, une jolie facade tapageuse qui fait croire que c'est merveilleux d'être adulte, que tu peux tout faire, que c'est la liberté. C'est un peu vrai, mais pas sans conditions, et c'est toujours les conditions qui sont difficiles. 

Profites de tes amoureux qui changent tous les jours, de tes poupées et tes faux-chevaux-vélos, de tes BN dans ton sac, parce qu'un jour, tu auras faim et personne ne pensera à te mettre un gouter dans ton sac. Profites de ton petit corps que tu habites pleinement, profites de la piscine, de tous tes nouveaux maillots de bain que tu aimes trop, bientôt tu ne te déshabilleras plus pour te baigner, même quand il fera très chaud. Tu trouves ca con hein? Tu vois, c'est un peu ça être un grand, c'est être un peu con. Profites de tout ton temps, de tes jouets, de ton sommeil, de tes matins, un jour tu ne verras presque plus la lumière du jour tellement ta vie sera en bordel, tellement tu seras à coté, tellement tu seras décalée. Profites quand on te dit que tu es belle, crois y très fort, le plus possible hein, pour que jamais tu n'en doutes un jour dans ta vie, tournes avec ta jupe et laisses vivre tes petits cheveux ébènes. Profites de cet amour inconditionnel qui inonde tes veines, qui ne demande pas les papiers pour aimer. Profites de tes rêves, profites de tes rires, profites de tes bons points, de tes coloriages au sortir de l'école. Profites de tes parents, n'oublies pas ca, tu grandiras et ce sera moins facile, penses toujours que ton père est un modèle et que ta mère la plus belle. Promets moi de faire tout ce que je te dis là, parce que quand tu te rendras compte de tout ça, ce sera trop tard, ce sera derriere toi, ce sera terminé. 

Tu joues à la maman, tu roules des fausses cigarettes bien rangées dans un paquet volé, tu fais des bisous sur ta main, tu rêves de grandir, putain, si tu savais comme moi je rêve d'être toi. Tu feras des choix, tu auras des responsabilités, tu devras dire des bêtises, tu souriras mais ce sera pas toujours vrai, tu te planteras, tu feras des choix pour de mauvaises raisons, face à de mauvaises personnes. Tu te mentiras à toi même, tu le sauras et pour autant tu iras quand même. Des choses se diront sur toi, faudra t'en foutre, faudra pas les croire. Tu découvriras d'autres mots, dégueulasses les mots, qui finiront en ase, tu changeras, en secret, un peu n'importe comment, un peu trop vite. Ca ira. Faut que tu comprennes ça, que la vie, c'est dur, que c'est pas que des repas avec des amis, des rires et des bouteilles de champagne, que la vie ca pique et ca pue, qu'on fait beaucoup semblant, qu'on a peur de tout, même d'aimer. Tu briseras des coeurs, tu auras le coeur brisé. Faudra aimer aussi fort que si t'allais crever le lendemain, tout, sans condition .Tu te rends compte, c'est bizarre hein, d'avoir peur d'aimer, pourtant ca arrive tout le temps, mais toi il ne faudra pas, il faudra être courageuse, il faudra y croire, avoir les mains moites le ventre en vrac et le coeur qui bat, il faudra faire les choses par envie, par passion, il faudra que tu sentes vivante, que tu sois folle, que tu fonces dans les murs, que tu t'éclates la gueule par terre. Ce sera comme en vélo, ca pique un peu au début, puis ca fait une croûte, ca tombe et c'est oublié. Je veux pas que tu ais peur de tomber, on te relèvera. Y aura des gens poupette qui t'accompagneront dans ta vie de grande, des gens qui t'aimeront, te feront rire, te réconforteront, te feront te sentir bien, des gens qui penseront que tu es la meilleure. Tu le seras, dis le moi que tu le seras, moi je te le dis. On t'expliquera le principe du pourcentage de bonheur, à rouler des joints et comment mettre du crayon dans tes yeux. On te prouvera que la vie c'est incroyable, énigmatique et que beaucoup de mes prévenances sont baisées. Retiens qu'il n'y a pas de hasard, que des rendez-vous, faudra y aller, te mettre des coups de pied au cul. Faudra que tu sois là, entière et vivante. 

Faut que tu me le promettes Loreleï, que tu seras vivante, que t'auras pas peur d'avoir mal et que tu aimeras, fonces Lorelei, fonces, la vie est courte, et quand tu liras ca, je ne serais plus là pour te le rabâcher.  



Loreleï, pour Loreleï



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire